On pourrait croire encore à la belle saison, certains jours, tant la lumière est vive sur le coup de midi. Pourtant les jours se recroquevillent et la fougère jaunit dans les sous-bois et les pacages.
Les chiens relèvent la tête au battement d’ailes d’un busard qui s’envole. Nous sommes en balade à Rameau, sur la sente ravinée qui descend jusqu’au Cher. L’endroit est assez sauvage et à la pointe de trois départements : l’Allier, le Puy de Dôme et la Creuse. Situé non loin de la maison, j’ai plaisir à m’y rendre et à voir s’ébattre mes bêtes.
Ce sera certainement la dernière promenade ici avant l’hiver. Les branches des fayards dégouttèlent après la nuit pluvieuse. Sous mes pas, une jonchée de feuilles mortes, et d’autres qui roulent d’un buisson à l’autre.
« Premier de cordée », Horus s’enfonce sous un hêtre couleur rouille, suivi par Jimmy qui trottine allègrement malgré ses presque 18 ans. Archi, lui, me suit de près, une ride d’attention entre ses yeux ronds. Il a conscience d’être malade et modère ses mouvements.
Dans cette nature, le moindre bruit prend une sonorité nette. Le soleil marche avec nous sur la mousse humide. Nous arrivons au fleuve. Pris de joie, les chiens fouettent l’air de leur queue et se trempent les pattes dans l’eau. Il y a peu de courant entre les galets. Surtout de larges flaques immobiles qui témoignent de la sécheresse de l’été.
Horus a trouvé un trou entre les rochers où il peut mouiller son ventre. Jimmy renifle les ajoncs. Il est vif mais handicapé par sa surdité et sa malvoyance. Archi s’est assis sur un banc de sable. Il regarde devant lui sans pensées précises, conscient peut-être qu’il ne reviendra jamais plus au bord du Cher. Son cancer galope dans ses reins. Il tourne les yeux vers moi comme pour m’interroger. Je ne peux malheureusement rien contre sa saloperie de maladie. Et c’est un grand chagrin.
Danielle Chevalier
Villejaleix
Novembre 2017


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