Le 10 décembre 2024, la SNDA a participé au séminaire co-organisé par l’Association de Protection des Animaux par le Droit (APRAD) et la Clinique juridique de l’HEDAC, un événement consacré au droit des animaux et à leur place dans notre société. Cet après-midi a été l’occasion d’échanger sur des questions cruciales concernant la protection juridique des animaux.
Le séminaire a réuni des experts du droit, mais aussi des acteurs de terrain, pour aborder différents aspects du statut juridique des animaux. Les interventions ont été variées ce qui a permis d’apporter des perspectives historiques, éthiques et pratiques. Cela a été l’occasion de présenter la publication récente de l’ouvrage ANIMAL & DROIT : BESTIAIRE, PATRIMOINE JURIDIQUE, DÉFIS CONTEMPORAINS. Ce manuscrit rappelle l’importance de l’animal dans notre patrimoine culturel, une réflexion essentielle pour penser sa place dans le droit contemporain.
Parmi les intervenants, nous avons eu l’honneur d’écouter :
– Madame Claire Bouglé-Le Roux, maître de conférences en Histoire du droit et des institutions, qui a exploré le rapport entre l’art et l’animal à travers une œuvre de Giuseppe Arcimboldo
– Madame Nadège Reboul-Maupin, maître de conférences en Droit privé et sciences criminelles, qui a présenté une réflexion sur l’animal en tant que « bien vivant » et les implications juridiques de cette nouvelle approche
– Madame Clara Bernard-Xémard, maître de conférences en Droit privé, qui a abordé les implications du divorce pour les animaux, en soulignant leur place importante dans cette procédure
– Monsieur Thibault Barbieux, maître de conférences en Histoire du droit et des institutions, qui a fait une intervention sur l’hermine, symbolisant la majesté de l’ordre judiciaire et son rapport historique avec les juristes
– Maître Christine Cheval, avocat et médiateur, qui a apporté des éclairages sur la classification juridique des animaux et les mécanismes de protection qui en découlent
– Madame Anne-Claire Gagnon, vétérinaire, qui a partagé ses réflexions sur le lien entre les violences intrafamiliales et les violences faites aux animaux
– Madame Nathalie Soisson, ancienne avocate, enquêtrice et juriste, qui a exposé son rôle dans la gestion des maltraitances animales, notamment avec la mise en place du nouveau numéro de signalement
– Madame Claire Borrou, vétérinaire, qui a raconté son expérience professionnelle concernant la protection animale et les défis rencontrés dans le soin aux animaux
L’intervention de Madame Claire Bouglé-Le Roux : l’animal comme objet du patrimoine culturel
L’intervention de Madame Claire Bouglé-Le Roux a apporté une perspective originale sur la place de l’animal dans le patrimoine culturel. Elle a présenté l’ouvrage ANIMAL & DROIT : BESTIAIRE, PATRIMOINE JURIDIQUE, DÉFIS CONTEMPORAINS, en soulignant l’importance de l’animal en tant qu’objet du patrimoine. La première de couverture de cet ouvrage présente une œuvre emblématique de Giuseppe Arcimboldo, une huile sur toile intitulée La Terre datant de 1570.
Madame Bouglé-Le Roux a expliqué que cette œuvre incarne un équilibre précaire entre les êtres vivants, où chaque élément semble tenir à peu de choses, un équilibre fragile qui invite à la réflexion sur la place des animaux dans nos sociétés. Selon elle, cette huile sur toile d’Arcimboldo illustre non seulement la beauté et la richesse de la nature, mais aussi la responsabilité humaine envers celle-ci. À travers cette œuvre, et l’approche historique et contemporaine qu’elle propose, Madame Bouglé-Le Roux invite à repenser notre rapport à la nature et à l’animal, appelant l’homme à prendre conscience de sa responsabilité envers la biodiversité.
L’animal en tant que « bien vivant » : une redéfinition du statut juridique : intervention de Madame Nadège Reboul-Maupin
Madame Nadège Reboul-Maupin a débuté son intervention en rappelant l’importance de l’article 515-14 du Code civil, qui reconnaît l’animal comme un être vivant doué de sensibilité. Elle juge que c’est une grande avancée qui permet d’octroyer à l’animal une certaine sensibilité. À juste titre, elle souligne toutefois que cette disposition revêt un aspect symbolique. Certes, l’animal ne fait plus partie de la catégorie des biens, mais il reste soumis au même régime juridique. Cela signifie qu’il ne dispose pas de statut juridique véritablement distinct. Il existe une sorte de vide juridique ! En ce sens, Madame Reboul-Maupin a mis en lumière la nécessité d’une révision du cadre juridique pour repenser la classification des biens et tenter d’y intégrer le vivant.
Elle a évoqué le modèle belge, où la loi du 4 février 2020 a permis de classer les animaux dans une nouvelle catégorie, celle des biens protégés afin de prendre en compte leur nature sensible. C’est de cet exemple qu’elle entend s’inspirer puisqu’elle préconise la création d’une nouvelle catégorie de « biens vivants » comprenant les animaux et les végétaux. L’idée de considérer l’animal comme un « bien vivant » suppose que le droit reconnaisse sa capacité à ressentir des émotions, de la douleur et des besoins spécifiques qui nécessitent une attention particulière. Madame Reboul-Maupin a souligné que cette approche pourrait engendrer des changements notables dans la responsabilité des propriétaires, notamment en termes de soin, de respect et de prévention de la souffrance animale. Cette nouvelle idée impliquerait impérativement la révision du cadre législatif actuel. Le droit devrait évoluer pour inclure l’animal dans une catégorie à part, prenant en compte ses caractéristiques biologiques et émotionnelles.
Selon elle, cette évolution conduirait à un changement majeur en droit des biens puisque cela conduirait à distinguer le vivant de l’inerte. L’idée serait de garantir une meilleure prise en compte de la biodiversité dans la législation, ce qui permettrait d’accorder aux animaux une protection juridique plus adéquate.
L’animal dans le cadre du divorce : l’intervention de Madame Clara Bernard-Xémard
Ensuite, Madame Clara Bernard-Xémard a abordé un sujet particulièrement actuel : l’animal dans le cadre du divorce. Elle a souligné l’importance de reconnaître le statut juridique des animaux lorsqu’ils sont impliqués dans des procédures de séparation. Madame Bernard-Xémard a insisté sur la nécessité de prendre en compte les besoins et l’attachement affectif des animaux envers leurs propriétaires. À titre d’exemple, elle a évoqué la récente Loi du 13 juin 2024 concernant la violence au sein du couple[1]. Désormais, le juge peut ordonner la jouissance de l’animal au conjoint victime, afin que l’auteur des violences conjugales ne puisse pas utiliser l’animal comme un moyen de pression. Ces récentes évolutions mettent en évidence la place accordée à l’animal au sein de la sphère familiale. Cette intervention a ouvert un débat sur la façon dont le droit peut évoluer pour mieux intégrer l’animal dans les procédures juridiques relatives à la séparation des couples.
L’hermine : symbole historique à l’honneur des juristes, intervention de Monsieur Thibault Barbieux
Monsieur Thibault Barbieux a pris la parole pour offrir une perspective historique fascinante sur le lien entre les animaux et le droit. Il a notamment parlé de l’hermine, un petit animal au pelage blanc, symbole de la majesté et de l’honneur de l’ordre judiciaire. Cette réflexion historique a permis de mettre en lumière la place particulière de cet animal dans l’histoire du droit. Monsieur Barbieux a exploré comment ce symbole a traversé les siècles, associant les animaux à des concepts juridiques fondamentaux.
La protection juridique des animaux : l’intervention de Maître Christine Cheval
L’intervention de Maître Christine Cheval, avocat et médiateur, s’est concentrée sur la catégorisation juridique des animaux et les mécanismes de protection qui en découlent. Elle a expliqué que la classification des animaux en fonction de leur utilité (animaux domestiques, captifs, apprivoisés, sauvages, etc.) est un élément clé dans la définition de leurs droits et protections. Maître Cheval a insisté sur le fait que cette catégorisation pouvait poser problème, car elle tend à réduire l’animal à un simple rôle utilitaire, au lieu de le considérer en tant qu’individu sensible avec des besoins et des droits propres.
Les violences intrafamiliales et leur lien avec les violences sur les animaux : intervention de Madame Anne-Claire Gagnon
Madame Anne-Claire Gagnon a abordé un sujet particulièrement sensible : les violences intrafamiliales et leur lien avec les violences sur les animaux. Elle a mis en lumière la manière dont les animaux peuvent être utilisés comme instruments de violence dans certaines situations familiales, notamment dans des contextes de maltraitance ou de tensions conjugales. En effet, bien souvent les violences faites aux animaux dans un cadre familial sont révélatrices de violences plus larges, pouvant inclure des abus envers des membres de la famille et notamment des enfants. Ceci peut être illustré à travers le principe d’une « seule violence » qui signifie que lorsqu’un animal est maltraité, cela peut être le symptôme d’un environnement familial où la violence s’exerce également sur les humains. L’inverse fonctionne également. Cette réflexion a permis de mieux comprendre les conséquences de la violence au sein de la sphère familiale et le rôle que les vétérinaires peuvent jouer en détectant les signes de maltraitance.
Le rôle d’enquêtrice et le nouveau numéro de signalement : intervention de Madame Nathalie Soisson
L’intervention de Madame Nathalie Soisson a apporté un éclairage sur les défis pratiques rencontrés dans la gestion des maltraitances animales. Elle a présenté son rôle d’enquêtrice qui lui permet d’identifier et de signaler les cas de maltraitance animale. Elle a également souligné l’importance du nouveau numéro de signalement mis en place pour faciliter l’identification des situations problématiques. Ce numéro, accessible au public, permet de signaler de manière anonyme des actes de maltraitance envers les animaux, ce qui représente une avancée importante dans la lutte contre la maltraitance. Cette initiative a été bien accueillie et sa mise en place a permis d’améliorer la réactivité face à la souffrance animale
Retour d’expérience d’un vétérinaire : intervention de Madame Claire Borrou
Enfin, Madame Claire Borrou, vétérinaire, a partagé son expérience en matière de protection animale et des défis auxquels elle est confrontée dans son travail quotidien. Elle a parlé des situations de maltraitance qu’elle rencontre sur le terrain et de l’importance d’une prise en charge médicale rapide pour éviter que les animaux ne souffrent davantage. Madame Borrou a également évoqué le rôle fondamental des vétérinaires dans la détection des abus, leur position de première ligne leur permettant de signaler les mauvais traitements aux autorités compétentes.
Conclusion
En définitive, ce séminaire a permis d’offrir une vue d’ensemble sur la question du droit des animaux et de leur place dans notre société. Chaque intervenant a apporté une perspective unique, enrichissant les échanges sur la façon dont le droit peut évoluer pour mieux protéger les animaux. Pour la SNDA, la participation à cet événement a été l’occasion de renforcer ses engagements en faveur de la protection des animaux et de participer à la réflexion collective qui façonne l’avenir du droit animalier.
[1] LOI n° 2024-536 du 13 juin 2024 renforçant l’ordonnance de protection et créant l’ordonnance provisoire de protection immédiate.
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Rédaction : Sehla KOUIDER, Rédactrice juriste