L’hiver ? Bien obligé de s’en accommoder ! On n’échappe pas à la mécanique des saisons. Et le vrai temps de janvier, c’est un froid cuisant qui tient le ciel soit en trouées de bleu, soit en vapeur de plomb immobile.
Ce début d’an 2017 est difficile à vivre. A croire que le diable s’en mêle, comme disaient nos grands-parents. La neige fait virevolter ses flocons, se couche sur la campagne de mont en mont. Les arceaux des ronces, les balais des genêts s’affalent sous une molle épaisseur blanche.
Pépette s’attarde devant la porte. Il y a neuf ans, elle était née depuis peu dans la grange et toussait à rendre l’âme. Un sommeil définitif la guidait vers des images flottantes. Plus la force de réagir aux pas qui s’approchaient d’elle dans le craquetis de la paille.
Pépette se souvient. En premier, la chaleur de la maison, ses coussins, l’assiette de pâtée. Puis les mains qui caressent et apaisent. Dormir sans un mouvement. Reprendre confiance. Neuf ans ! Pépette se souvient.
Jimmy, le Fox, la couve des yeux, la lèche, s’allonge contre elle, la surveille pour que personne ne l’embête.
Mais la petite chatte dépérit. Et les visites successives chez le vétérinaire, les traitements, les hospitalisations n’améliorent pas son état. Elle vomit et s’amaigrit. Cas désespéré. Euthanasie envisagée. « Non, non et non ! ». Je me rebelle ! J’ai recueilli ce chaton et refuse l’évidence. Une idée me traverse l’esprit. Je nourrirai Pépette à la seringue avec du jaune d’oeuf. C’est le seul aliment que le jeune estomac tolère. « Ma pauvre Pépette, je te sortirai de là ». Angoissé, Jimmy ne baisse pas sa garde.
Comprenne qui pourra, la chatte est sauvée ! Et plus jamais malade ! Elle reste Pépette puisqu’elle répond à ce nom. Sa qualité principale : un coeur de mère. Elle s’intéresse à tous ses frères et soeurs. Elle est à l’affût du moindre souci. Avec Louise, la chatte indépendante, qui rentre frigorifiée après avoir chassé sous la rame d’un sapin. « Viens, Louise, entre mes pattes. Je vais te réchauffer ». Avec Léo, qui guette la nuit sous la pluie, le hibou qui crie au-dessus des taillis. « Viens, Léo, entre mes pattes. Je vais te sécher ». Avec Samba, qui miaule affolée après avoir aperçu un renard à l’entrée du hameau. « Viens, Samba, entre mes pattes. Je vais te rassurer ». Avec Nina, éternellement en manque de tendresse, qui cherche le « frotti-frotta » à la moindre occasion. « Viens, Nina, entre mes pattes. Je vais te dorloter ».
Des nuages s’amassent, s’épaississent. Une nouvelle neige arrive de l’ouest, comme une chose vivante marchant allègrement sur le pays d’Auvergne. Des cris de busards crèvent le silence.
Pépette saute sur mes genoux. Elle apprécie mes gratouilles le long de sa gorge. « Mmmrrr…, c’est le nirvana ! L’hiver finira bien par passer. En attendant, prête-moi ton attention, moi qui l’accorde à toute la tribu féline. Mmmrrr…, gratouille, gratouille, j’adore ! L’hiver finira bien par passer ».
Danielle Chevalier
Villejaleix
Janvier 2017


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